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chakamarifari

25 juin 2007

la laïcté est-elle une exigence en Tunisie?

La laïcité est-elle une exigence en Tunisie ? La laïcité est-elle une exigence en Tunisie ? Des intellectuel(le)s, des chercheur(e)s, des universitaires, des enseignants, des militant(e)s politiques, militant(e)s associatifs, militantes féministes, environ trente neuf personnalités viennent de fonder une association culturelle tunisienne pour la défense de la laïcité. L´association se consacrera exclusivement à la défense de la laïcité et à la diffusion de ses valeurs et de sa culture, nous dit-on, elle servira à faire connaître l´histoire et les enjeux de la laïcité et à nous renseigner sur les expériences laïques de différents pays. Elle offrira une tribune laïque, paraît-il, pour promouvoir la pensée laïque afin de préserver les acquis de la sécularisation contre les dangers de l´islam politique qui exerce depuis deux décennies une pression sur l´état et sur l´élite afin d´instaurer un état islamique théocratique. Ces futurs défenseurs définissent le concept laïque en opposition à l´articulation sur une doctrine religieuse ou sacralisée, ils s´opposent à tout projet qui prétend remodeler la société en fonction des préceptes religieux. En plus ils affirment leur rejet de l´athéïsme d´état qui combat la religion et la liberté de croyance. Enfin ils nous disent que la laïcité est une exigence universelle à l´abri des fanatismes.Bien voilà le bien fondé de cette nouvelle association et ceci mérite bien la réflexion. Tout en espérant que cette association obtiendrait son visa à ce projet, je me permet, en tant que démocrate indépendant, d´apporter une modeste contribution à ce sujet, cherchant à provoquer un débat constructif et démocratique et non une polémique. Reste que la laïcité est encore une idée neuve au 21e siècle et que la charte universelle de la laïcité est encore au stade de projet. Si on survole brièvement le ciel international, l´exemple américain de la séparation de l´Eglise et de l´Etat a été interprétée de façon très différente au cours de l´histoire des Etats-Unis. Le mur de séparation très élevé et étanche érigé dans les années 1950 et 1960 a été remplacé par un mur plus bas et perméable. Les notions de neutralité et non discrimination envers le religieux, qui correspondent sans doute davantage au désir de la majorité de la population, se sont imposées. L´exemple de nations non laïques comme le Royaume Uni, le Danemark et bien d´autres, montre que la pensée laïque a buté même en Europe et reste jusqu´aujourd´hui une question d´actualité et de discussion au sein même de l´union européenne. De plus la sécularisation de plusieurs pays s´est faite en dehors du concept de la laïcité. Et pour citer, enfin, l´exemple de la Turquie, Kamel Attaturk a oeuvré fortement à rendre la turquie laïque, toujours est-t-il que les résultats après des décennies ne sont pas rassurant puisque la Turquie souffre de deux problèmes qui demeurent jusqu´à nos jours : d´abord la relativité de la démocratie turque, avec le poids important de l´armée et la répression d´activités considérées comme anti-laïques. Ensuite, lié sans doute à cela, la relativité de la sécularisation en Turquie. Pour revenir sur le plan national, en définissant le concept de la laïcité de la façon la plus neutre possible loin des définitions idéologiques, je dirai que la laïcité est la séparation entre le religieux et l´état ; à partir de cette définition objective pouvons nous dire que la Tunisie est un pays laïque ? A mon avis du moins, pour aller vite, la réponse est non. La laïcité suppose en amont une autonomie conjointe des institutions publiques par rapport aux institutions religieuses, or en Tunisie nous avons une présence institutionnelle de l´islam qui est encadrée et contrôlée par l´état. Ce dernier sollicite en permanence le référent religieux pour appuyer les orientations de l´état. La direction des affaires du cultes fut créée dans ce sens par décret datant du 5/10/1967. Force est de constater que depuis l´indépendance l´état a imposé une politique séculière en se réclamant de l´islam. L´étatisation de la religion dépasse la logique d´instrumentalisation du religieux. De ce fait la sacralisation de l´état s´est faite par la médiation de l´islam. Certes le système politique cherchait à limiter la portée sociale et politique de l´islam et non à se dissocier. Ceci explique le fait de dire que la religion est distancée du politique, mais elle y reste liée en tout cas. L´état est parti de l´humanisme de l´islam dans le but de réorganiser la société par une relecture et une modernisation de la pensée (islamique). Les réformes n´ont jamais été présentées comme un divorce avec l´islam. Donc, l´intégration totale de la religion dans l´état nous conduit à affirmer que la Tunisie ne saurait être assimilée à un pays laïque. D´autre part, pour beaucoup d´intellectuels tunisiens et même de gauche, et là je ne citerai pas de noms, la laïcité est un concept français qui repose sur la séparation de l´église catholique administrée par un clergé ayant à sa tête un pape, alors qu´en islam rien de tel : ni autorité religieuse équivalente au pape et au clergé, ni église, si bien le concept de la laïcité se trouve étranger dans l´espace où nous vivons. Créer une association qui défend la laïcité dans les conditions actuelles, est-ce une urgence ? Est-ce un besoin ? Ou est-ce tout simplement un leurre ? Devons toujours copier et coller les conceptions françaises ou autres ? Pourquoi calquer et importer les modèles occidentaux ? S´imprégner ou analyser les expériences des autres pour avancer sans adopter les moules finis, est peut-être plus compréhensif ! Peut-être cette association veillera-t-elle à nous inculquer et nous convaincre que la laïcité est une exigence universelle qu´il faudrait la placer en premier lieu dans l´agenda des réformes politiques d´une deuxième éventuelle république ? Ou peut-être ces défenseurs de la laïcité viendraient-ils piocher dans la définition de Monsieur Mohamed Arkoun qui définit la laïcité comme étant l´antidote du pouvoir religieux qui s´emploie à étouffer la liberté de penser chez l´homme ? Dans ce cas, tomberons-nous dans le piège de l´intégrisme laïque ? Mais alors, à quoi servira la revendication de la laïcité en Tunisie aujourd´hui ? Peut-être va-t-elle participer à nous débloquer le champ politique ? Ou au contraire va-elle jouer dans le renforcement du statu quo puisque cela va diviser encore plus la fragile opposition ? Est-ce véridique de dire que l´islam politique représente un danger pour les acquis de la sécularisation, et qu´il faudrait le combattre par la diffusion de la laïcité ? Et pour éviter les amalgames, de quel islamisme parle-t-on ? S´il s´agit de l´islam politique modéré, c´est absolument faux. Oui, il existe un islam politique modéré, il est représenté et constitue une composante parmi tant d´autres dans une grande frange centrale de notre société ; et pour reprendre Mr Marzouki, les démocrates tunisiens issues de l´idéologie de gauche n´ont-ils pas, sans peut-être le savoir, « vendu » la démocratie à cette frange de citoyens qui se trouvent sur la voie politique modérée qu´on commence appeler la troisième voie. L´islam politique modéré qui repose sur la philosophie réformiste et moderniste de la religion, qui préconise l´ijtihad et une relecture des textes religieux pour être compatible avec les acquis de la sécularisation et aussi avec la démocratie et les valeurs républicaines, qui respecte la constitution et la séparation du pouvoir, qui sollicite les urnes, qui a choisi le référentiel religieux qu´il utilise dans ses réflexions et orientations politiques et aussi comme lien social fort constituant un élément de marketing politique, cet islam apaisé et instrumentalisé positivement par une composante politique du pays ne doit pas nous terroriser ; au contraire les partisans de cet islamisme modéré joueront un rôle de rempart contre l´extrémisme islamique type EL Qaida et utiliseront la religion même pour lutter contre le fanatisme et le terrorisme qui se développe dans nos pays suite à la barbarie et l´injustice et les crimes contre nos populations arabes et musulmanes que ce soit en Irak, en Palestine ou au Liban. Seul l´islamisme suicidaire et radical peut être considéré comme un danger à notre sécularisation, il nous appartient de le dénoncer haut et fort car il est destructeur et engendre la haine. Tout ce qui rejette la composante politique née de l´islam politique modéré ne font qu´attiser et renforcer les cellules dormantes d´un terrorisme islamique radicale et sanguinaire qui donnent aux puissances occidentales et à l´administration des USA une carte blanche pour un nouveau colonialisme sous forme de guerres soit-disant préventives. Pour terminer je dirai que l´intégrisme laïque et l´intégrisme islamique sont tous les deux étrangers à notre espace et notre époque et constituent des obstacles à notre transition démocratique et à la démocratie en général.
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